Interview de Paulette Lenert avec CONNECT by ClC

"Le gouvernement fera tout ce qui est dans son pouvoir afin d'éviter un nouveau confinement"

Interview: Connect by ClC (Mathieu Rosan)

Connect: En tant que ministre de la Santé, quel premier bilan faites-vous de la gestion sanitaire dans les commerces et les transports en commun depuis la fin du confinement? Les mesures prises par le gouvernement ont-elles été suffisantes selon vous?

Paulette Lenert: Quand le gouvernement avait décidé de sortir graduellement du confinement, notre souci était d'assurer que la reprise puisse avoir lieu dans les meilleures conditions possibles pour tout le monde. Je dois dire que les acteurs de la vie économique ont fait preuve d'une grande coopération.

Le ministère avait élaboré des recommandations sanitaires pour chaque secteur concerné par le déconfinement et on avait accordé beaucoup d'attention à impliquer directement les acteurs concernés dans l'élaboration de ces recommandations. Cette pandémie nous a montré que la gestion d'une crise n'est un succès que si tout le monde en devient acteur. Les mesures prises jusqu'à ce jour ont été arrêtées avec le souci de concilier au mieux deux objectifs prioritaires que sont la protection de la santé de nos citoyens et les intérêts des acteurs de la vie économique.

Les commerces ainsi que les transports en commun sont des acteurs responsables sur lesquels nous pouvons compter dans la durée, car cette crise nous accompagnera encore un certain temps. Il est aujourd'hui difficile à prévoir comment l'épidémie va évoluer. Le gouvernement se positionnera en fonction de l'évolution de la situation, en veillant à ce que les intérêts de chacun soient reflétés dans le dispositif mis en place. C'est un exercice complexe, mais nous mettons tout en œuvre pour le réussir au mieux.

Connect: Les résultats sont-ils conformes aux attentes du ministère de la Santé?

Paulette Lenert: La gestion de la crise sanitaire revêt un grand nombre de facettes. L'appréciation du résultat des efforts mis en œuvre pour endiguer la crise requiert donc qu'on analyse tous les volets d'un œil critique. De manière générale, le bilan est rassurant. Mais, il serait dangereux de se reposer sur ses lauriers. Je le répète: la vigilance reste de mise, plus que jamais. L'élément-clé, c'est que nous apprenons tous à maîtriser nos interactions. C'est ainsi que nous parviendrons à identifier les contacts critiques et à briser les chaînes d'infection.

Connect: Dans quelle mesure la recrudescence du nombre de cas de Covid-19 est-elle inquiétante?

Paulette Lenert: Il y a eu en effet une nette recrudescence des nouvelles infections en début du mois de juillet, avec un pic de 678 nouveaux cas détectés pour la semaine du 13 au 19 juillet, et toujours un nombre important de nouvelles infections pour les deux semaines suivantes. C'est évident qu'une telle situation est inquiétante, voire contraignante, avec le classement en zone à risque du Grand-Duché.

Actuellement nous pouvons constater à nouveau une tendance à la baisse depuis 3 semaines d'affilée (ndlr; l'interview a été réalisée le 25 août), et je suis soulagée du fait que le gouvernement fédéral allemand ait décidé de ne plus considérer le Luxembourg comme région à risque, mais nous ne devons pas laisser tomber nos gardes.

Nous surveillons les chiffres de près sur une base journalière et nous accordons beaucoup d'importance à l'analyse de leur évolution. Ce n'est que si nous comprenons mieux ce virus et ses voies de propagation que nous pouvons prendre des décisions en connaissance de cause.

Connect: Alors que vous aviez envisagé un retour de l'épidémie pour l'automne, celle-ci semble revenir beaucoup plus tôt que prévu. Le non-respect de certains gestes barrières est-il le seul facteur à prendre en compte face à cette recrudescence de cas?

Paulette Lenert: Je crains que certains aient confondu la fin de l'état de crise avec la fin de la crise tout court, et lâché prise. je peux très bien comprendre qu'après des mois de confinement, les gens aient envie de retrouver leur "liberté" et de continuer leur vie comme d'habitude. Pourtant la COVID-19 est toujours bien présente et nous devons apprendre à vivre avec. Le respect des gestes-barrières et de la distanciation est essentiel pour endiguer la propagation du virus.

Autres facteurs incontournables: le testing et le traçage! Nous avons réussi à mettre en place une équipe pour le traçage des contacts vraiment efficiente et je les remercie pour leur engagement inlassable. Il faut savoir par exemple, que sur les 678 nouveaux cas précités, plus de 4100 contacts ont pu être identifiés!

Si les gens ne savent plus avec qui ils ont eu un contact à risque, s'ils côtoient sans aucune précaution des centaines de personnes, alors, nous ne pourrons plus suivre le virus. Le tout, c'est de pouvoir rester à ses trousses.

Nous avons également élaboré une stratégie de dépistage ciblée. La participation au dépistage est certes volontaire, mais si un maximum de personnes y participent et se font tester, il sera plus facile de freiner la propagation du virus.

Connect: Cette hausse laisse planer la crainte d'un nouveau confinement. Si cela devait se produire, la fermeture des commerces pourrait-elle être encore envisagée comme une solution afin de maîtriser l'arrivée d'une seconde vague?

Paulette Lenert:  Malgré cette deuxième vague que nous avons connue donc au mois de juillet, la situation face à la pandémie a sensiblement évolué. Nous disposons aujourd'hui de beaucoup plus d'informations concernant le Sars-CoV-2 et sa propagation et - élément essentiel - nous avons à disposition l'équipement de protection individuel nécessaire et en quantité suffisante pour faire face à une nouvelle recrudescence. Notre objectif premier restera de maintenir le fonctionnement de notre système de santé et le gouvernement fera tout ce qui est dans son pouvoir afin d'éviter un nouveau confinement tel qu'on l'a connu lors de la première phase aiguë.

Connect: Existe-t-il selon vous des mesures intermédiaires qui pourraient permettre de ne pas arriver à une nouvelle fermeture des commerces? Peut-on envisager, comme c'est le cas dans certains pays, une fermeture géographiquement limitée si nécessaire?

Paulette Lenert: Jusqu'à ce qu'un remède ou un vaccin contre la COVID-19 sera trouvé, le mot d'ordre demeurera: gardez vos distances, respectez les gestes-barrière et limitez vos contacts! Le gouvernement est bien conscient des conséquences néfastes de la fermeture des commerces. Des mesures intermédiaires lors de différentes phases sont certes envisageables, et même préférables, alors qu'une fermeture géographiquement limitée me semble difficile à réaliser et un moyen peu efficace vu la taille de notre pays. Autrement dit: éviter un nouveau confinement signifie de respecter ces trois principes: la responsabilité de tout un chacun, la solidarité envers les autres et les personnes vulnérables en particulier et enfin la discipline qui consiste à suivre rigoureusement les gestes barrière.

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