Mars di Bartolomeo au sujet de la réforme dans le secteur de la santé

Le Quotidien: Vous semblez être hautement motivé, à l'heure actuelle, pour mener à terme la réforme des soins de santé!

Mars di Bartolomeo: Le débat sur les questions fondamentales qui se déroule actuellement me motive énormément, en effet. Je constate que depuis longtemps on n'avait plus mené une discussion approfondie à propos de notre système de soins de santé. Les vues divergentes se confrontent; ma profonde motivation est de mener la réforme à bon port. Je voudrais contribuer à rendre le système étanche en cette période de crise et à empêcher des pressions extérieures tous azimuts qui rendraient méconnaissables ses principaux atouts. On peut se rendre compte des conséquences néfastes d'une pareille érosion avec l'exemple allemand. Je voudrais renforcer le système. Je suis persuadé que, depuis des décennies, il a fait ses preuves en permettant l'accès libre aux meilleures prestations de soins de santé, sans égard au revenu.

Le Quotidien: Quelle est la philosophie sous-jacente à la réforme?

Mars di Bartolomeo: La solidarité, la qualité et la transparence. Je ne puis adhérer à des solutions unilatérales. Comme celle des employeurs, par exemple, qui depuis l'automne dernier mettent sur la table des revendications qui ne comportent que la diminution des prestations prises en charge et le relèvement de la participation financière des patients. De l'autre côté, il ne s'agira pas non plus d'augmenter simplement les cotisations sans changer quoi que ce soit au fonctionnement du régime d'assurance-maladie. Plusieurs acteurs soulèvent seulement les dysfonctionnements chez autrui et ne se soucient point de leurs propres apports. Et finalement, il y a les patrons qui menacent de se désengager complètement du financement et de la gouvernance, il y a aussi les médecins qui mettent en cause le conventionnement obligatoire : je ne dirais pas que je me vois en arbitre, mais plutôt comme un avocat du système de soins de santé.

Le Quotidien: Y aurait-il des alternatives au financement trilatéral?

Mars di Bartolomeo: Le programme gouvernemental (et les lignes y relatives portent mon écriture) ne prévoit pas que nous nous engagions dans la recherche d'un nouveau régime.

Le Quotidien: Et si les patrons insistaient dans leur voie?

Mars di Bartolomeo: Dans ce cas, il faudrait changer d'abord la loi. Mais cela ne marchera pas avec moi!

Le Quotidien: Est-ce que les patrons bluffent?

Mars di Bartolomeo: Je ne le pense pas. C'est le résultat d'une aliénation des idées de la solidarité. Il y a des moments où les intérêts particuliers essayent de contourner l'intérêt collectif. J'affirme que celui qui est capable de se montrer solidaire pourra bénéficier à son tour de la solidarité. C'est l'enseignement de la récente crise. La collectivité s'est engagée pour soutenir l'économie. Auprès de celui qui a requis la solidarité en ces temps difficiles, et qui en a profite, je revendique en échange une participation en période d'éclaircie économique. Le financement trilatéral s'est avéré être le meilleur. On pourrait substituer à ce système une fiscalisation à part entière. Mais en fait, cotisations ou impôts, cela revient au même modèle. Un système qui reposerait sur une participation personnelle poussée à l'extrême serait un système d'exclusion, ce ne serait pas un système intégratif, comme nous le voulons. En clair : c'est une question de système qui se pose. Le gouvernement et moimême, nous protégerons le système basé sur la solidarité. Ce qui ne veut pas dire que nous ne sommes pas capables de le réformer pour faire face aux défis. Ces défis surgissent avec l'environnement économique qui change. Nous avons maîtrisé la progression des dépenses, qui est passée de quelque 10% au début des années 2000 à quelque 6%, nous sommes donc en ligne avec la progression du budget de l'État. La pression provient de la stagnation des recettes. Il s'agit d'assurer à l'avenir l'équilibre budgétaire.

Ces dernières années, tout le secteur médicalisé a connu des mutations profondes. Le secteur hospitalier, par exemple, s'est complètement restructuré au cours des six dernières années. Il s'est modernisé et de nouveaux acteurs se sont ajoutés. La spécialisation s'est approfondie, mais j'estime qu'elle n'est toujours pas encore assez poussée. Par expérience, nous savons qu'il est utile de coordonner encore mieux l'intervention des différents acteurs. Chacun devra pouvoir jouer ses meilleurs atouts. Cela présuppose la volonté de coopération, et aussi davantage de coordination. Cela présuppose la volonté de partager des tâches; cela présuppose également davantage de transparence à propos des forces et faiblesses du système.

Le Quotidien: Nous vivons une période de redistribution des richesses. Est-ce qu'il n'y a pas lieu de constater que d'aucuns sont déterminés à "remplir leurs poches"?

Mars di Bartolomeo: Je ne voudrais reconnaître à personne des intentions néfastes. Force est de constater qu'actuellement, dans le système, les intérêts de tout un chacun sont sauvegardés.

Le Quotidien: Quelles sont les perspectives, à long terme, du système de soins : médecine libérale ou médecine étatisée?

Mars di Bartolomeo: Il ne s'agit pas d'aborder la question de manière idéologique, d'opposer par exemple l'exercice libéral de la médecine à celui sous forme salariée. Il s'agira de développer des projets fédérateurs et de rallier tous les acteurs sous quelque enseigne que ce soit, à ce projet. Nous définissons et nous traçons un cadre, vers lequel le système évoluera. Laissez-moi esquisser ce cadre : les piliers principaux seront les soins médicaux primaires, de base, ainsi que la médecine préventive. L'approche préventive sera renforcée avec le présent projet de loi, dans la mesure où la Caisse nationale de Santé disposera de davantage d'autonomie lui permettant de prendre des initiatives propres. La médecine de base sera renforcée. Le rôle du médecin généraliste sera renforcé en tant que médecin de confiance - comme le médecin de famille d'antan - et il aura de nouvelles attributions pour guider le patient à travers le système. Tout comme le pédiatre, le généraliste remplit une fonction primaire - et les rémunérations seront adaptées en conséquence. En ce qui concerne les hôpitaux, le projet sera le catalyseur de la spécialisation renforcée par la création de centres de compétence, dans la cancérologie, par exemple, dans la neurochirurgie, dans le traitement des accidents cérébrovasculaires, à l'instar de ce qui a déjà été réalisé en matière de cardiologie.

Le Quotidien: Les médecins craignent que des restrictions à la liberté thérapeutique s'installent. Est-ce justifié?

Mars di Bartolomeo: J'essaye de comprendre la position des médecins libéraux. Il est difficile de concevoir une liberté thérapeutique qui entrerait en collision avec l'intérêt du patient de pouvoir recourir au meilleur traitement possible. Je dois l'expliquer : grâce au "Programme Mammographie", par exemple, nous disposons d'informations détaillées sur les pratiques thérapeutiques. Plusieurs cliniques ont réalisé ce qu'on appellerait des "cliniques du sein", où des programmes multidisciplinaires sont mis en œuvre, prenant en charge l'accueil, le diagnostique, le traitement, la réhabilitation, jusqu'au traitement psychologique. A ce véritable travail d'équipe s'oppose la pratique de quelques médecins qui se limitent à pratiquer sur quelques années un très petit nombre d'interventions chirurgicales. L'intérêt des patientes n'est nullement garanti si elles tombent par malchance sur un médecin qui pratique une seule intervention tous les cinq ans. Le consentement éclairé est douteux et rien ne justifie la liberté thérapeutique si l'offre médicale est problématique. Nous préconisons des procédures dans lesquelles le médecin référant, qui pourrait être le généraliste, voire le pédiatre, et dans certain cas un autre spécialiste, assure le suivi thérapeutique et documentaire de son patient.

Le Quotidien: D'un côté, le Cercle des médecins généralistes se félicite de la réforme, d'autre part, il se rallie aux critiques virulentes de l'Association des médecins et médecins-dentistes. Qu'en pensez-vous?

Mars di Bartolomeo: Je respecte profondément le travail syndical, au point de ne jamais vouloir mettre en cause l'unité syndicale. Je pense qu'on peut s'attendre à ce qu'un syndicat dise la vérité à ses membres et qu'il fournisse des informations, honnêtement. Notre projet confère un rôle primordial à la médecine générale. Je ne puis comprendre qu'une solidarité se crée avec ceux qui dans le passé ne se sont guère préoccupés de la médecine générale. J'ai proposé aux généralistes de discuter avec eux les modalités d'exécution, tout de suite, sans attendre la mise en application de la loi. Je déplore qu'il n'y ait eu aucune réponse. Je ne comprends pas que la menace de faire grève se substitue à la discussion à propos de la mise en œuvre des revendications antérieures.

Le Quotidien: Vous aviez préconisé plusieurs options, mais finalement vous avez retenu la hausse légère des cotisations. Pourquoi pas le déplafonnement?

Mars di Bartolomeo: Personnellement, j'aurais préféré l'option du déplafonnement. Je considère qu'elle est la plus juste. Mais j'ai entendu des mises en garde à propos du risque que certains cotisants pourraient quitter le régime d'assurance obligatoire pour chercher des solutions moins coûteuses pour eux, vu le niveau élevé de leur revenu, et s'affilier à une assurance privée. Nous devons maintenir le système actuel, dans lequel les prestations sont les mêmes, à taux de cotisation unique. Je ne vous cache pas non plus qu'il n'y a pas eu unanimité au sein de la coalition sur le déplafonnement.

Le Quotidien: Il y a des rumeurs selon lesquelles le taux de cotisation de 0,2 % n est pas acquis. La proposition pourraitelle changer encore?

Mars di Bartolomeo: Les discussions continuent toujours. De nouvelles propositions peuvent surgir. La seule proposition qui est indiscutable est celle de briser la parité. Le 27 octobre prochain, la quadripartite pourrait émettre des propositions consensuelles, dont nous tiendrions compte, évidemment.

Le Quotidien: Le président du groupe parlementaire CSV a revendiqué davantage de chiffres.

Mars di Bartolomeo: Entre-temps, les députés ont eu toutes les informations demandées. Nous avons fourni les projections pour l'avenir. Et nous avons expliqué pourquoi un régime de franchises ou de participations personnelles n'est pas une option. Question de sélectivité sociale : la Kopfpauschak (NDLR : forfait par tête) qui existe en Allemagne est inacceptable, puisqu'elle relègue les pauvres à l'assistance sociale en matière de soins de santé.

Le Quotidien: Pourquoi n'imposerez-vous pas le tiers payant généralisé?

Mars di Bartolomeo: Dans les négociations sur le programme gouvernemental, il n'y a pas eu d'accord sur cette proposition. Par contre, la loi prévoit le tiers payant social.

Le Quotidien: Pourra-t-il y avoir une ouverture à propos de l'usage thérapeutique du cannabis?

Mars di Bartolomeo: Il n'y a jamais eu de fermeture, à ce propos! Il y a déjà des médicaments autorisés qui contiennent des substances du cannabis. Aux Pays-Bas, le cannabis pur n'est pas reconnu comme médicament. Gardons-nous de raisonner par raccourcis. Je suis ouvert à tout débat scientifique à propos des indications thérapeutiques, en ce qui concerne tous les médicaments nouveaux. Cela présuppose des procédures et il s'agit d'empêcher les prescriptions à tort et à travers - en dehors des indications reconnues, et en dehors de toute évidence scientifique. Il ne peut y avoir de prétexte pour les prescriptions sans aucun diagnostic médical.

Le Quotidien: La réforme du régime du système des pensions sera-t-elle présentée avant la fin de la législature?

Mars di Bartolomeo: Sans aucun doute. J'informerai prochainement le gouvernement de mes calculs.

Le Quotidien: Êtes-vous sensible à la manière dont le débat se déroule à l'étranger.

Mars di Bartolomeo: Je ne m'oriente pas par rapport aux débats à l'étranger. Nous avons tracé notre cadre dans la déclaration gouvernementale. Il s'agira de considérer plutôt les années de cotisation que l'âge de la retraite. Il ne sera pas touché aux périodes de stage justifiées! Celui qui voudra partir à la retraite précocement sans avoir atteint les 40 années de cotisations obligatoires ne peut espérer les mêmes prestations que celui qui respecte les règles du jeu.

Le Quotidien: Et l'inverse?

Mars di Bartolomeo: Les personnes qui auront débuté leur activité professionnelle à l'âge de 17 ans, par exemple, et qui continuent jusqu'à 63 ans, sans aucune prestation supplémentaire, sont traitées de manière inéquitable. Celui qui travaillera plus longtemps touchera davantage : sur la base des années cotisées, je proposerai un régime qui couplera les périodes d'assurance avec l'espérance de vie.

Dernière mise à jour