Discours de Lydia Mutsch prononcé au séminaire de l’Union internationale des Avocats, intitulé "Protection des données dans les services financiers, d’assurance et médicaux"

"BigData permettra d’établir un diagnostic plus précis et d’offrir un traitement plus ciblé"

Seul le discours prononcé fait foi
©MSAN
Marc Vandelaer (IBBL); Catherine Larue (LIH-Luxembourg Institute of Health); Karl A. Stroetmann (Empirica, Bonn); Rudi Balling (LCSB- Luxembourg Centre for Systems Biomedicine); Lydia Mutsch, ministre de la Santé

"Monsieur le Président

Chers  membres de l’Union Internationale des Avocats (UIA),

Chers organisateur de ce séminaire,

Chers conférenciers et invités,

Mesdames et Messieurs,

C’est avec un grand plaisir que je participe à ce séminaire de haute qualité.  Et je suis particulièrement reconnaissante de pouvoir présenter le volet de la recherche médicale.

Les secteurs de la recherche et de la santé sont aujourd’hui confrontés à une importante transformation, alimentée par l’explosion des connaissances en sciences médicales et biomédicales ainsi que le développement massif des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Les données générées, collectées et stockées pendant le parcours de soins des patients et même en dehors de celui-ci sont massives : l’époque du Big Data dans les domaines de la santé et de la recherche est donc bien lancée. Les innovations en découlant sont vastes et susceptibles non seulement de réduire les coûts de santé dans les systèmes de santé mais également et surtout d’ouvrir la voie vers une médecine plus personnalisée.

Avec la multiplication des sources d’information se posent néanmoins aussi de nouvelles questions sur l’utilisation et les possibilités d’exploitation des énormes volumes d’informations de santé. Cela comprend toutes les données recueillies au cours des parcours de soins mais aussi celles recueillies lors des essais cliniques ou sur les patients couverts par les programmes nationaux de dépistage (mammographie, cancer colorectal).

L’utilisation de ces données de santé au profit de l’intérêt collectif et de l’intérêt du patient en vue d’une médecine plus personnalisée, plus sûre et de meilleure qualité doit rester notre cible.

Placer le patient et l’innovation au centre de nos préoccupations, tel est l’objectif premier dans tous nos efforts visant à améliorer la santé des citoyens, et ce,

-         en accord avec la Stratégie Europe 2020 et

-         tout en maintenant la viabilité des systèmes de santé.

Tel a également été le Leitmotiv de la Présidence luxembourgeoise en matière de santé publique.

La médecine personnalisée a été l’une des priorités de la Présidence luxembourgeoise.  Nous avons réussi:

  • à faire avancer les discussions sur les pistes de solutions à proposer et
  • à poser les jalons pour une stratégie européenne en matière de médecine personnalisée.

Le défi qu’il revient de relever est de mettre en place un cadre qui permet d’apporter le bon traitement au bon patient, au bon moment.

De toute évidence, la mise en place de "ce" cadre doit s’accompagner d’un cadre légal permettant la collecte, la gestion et l’utilisation des données de santé tant dans le secteur de la recherche médicale et biomédicale que dans celui de la santé.

Il est incontestable que les nouvelles technologies et l’utilisation du Big Data constituent des leviers importants pour le développement de ces secteurs et la pilotabilité du système de santé.

Dans le secteur de la Santé, un pas important vers la modernisation du système de santé a sans aucun doute été la création en 2012 au Grand-Duché de l’Agence eSanté, l’Agence nationale des informations partagées dans le domaine de la santé, et le lancement en juin 2015, du DSP, le dossier électronique sécurisé du patient qui sert d’outil collaboratif entre professionnels de santé intervenant auprès du patient.

Quand on parle de partage de données, il se pose bien entendu la question de la confidentialité des données médicales ainsi que de la sécurité informatique, qui restent des préoccupations majeures pour les patients.

Ces points cruciaux ont d’ailleurs été largement pris en compte dans la mise en place de la plateforme électronique nationale d’échange et de partage des données de santé et de ses différents services, dont le DSP. Le ministère de la Santé a ainsi impliqué la Commission Nationale de Protection des Données pour l’évaluation de chaque étape de la réalisation de ce projet.

Le développement de la recherche et la modernisation des systèmes d’information du domaine de la santé et de la sécurité sociale restent d’ailleurs des priorités du gouvernement luxembourgeois.

L'interopérabilité des dossiers médicaux électroniques, ainsi que l’élaboration de principes communs pour la collecte et le partage de données, constituent également une base indispensable pour l’évolution de ces secteurs.

A titre d’exemple d’une gestion intégrée des soins, je souhaite citer la mise en place et l’implémentation du plan national cancer entamée en 2014 en mobilisant l’ensemble des acteurs : ministère de la Santé, Direction de la Santé, Établissements hospitaliers, recherche, médecins, soignants, fondations, associations de patients - chacun contribuant selon sa compétence, en partenariat avec tous.

En premier lieu, il s’agit d’améliorer la gouvernance de la cancérologie.

Lutter contre le cancer ou contre d’autres maladies rares et complexes est un vrai défi de santé publique et nécessite également la collecte et l’utilisation de données concernant la santé par les autorités publiques, les instances médicales et les centres de recherche publics.

Dans le domaine de la recherche un autre pas important est le développement et la promotion au Grand-Duché du secteur de la recherche.

Depuis plusieurs années, le gouvernement luxembourgeois investit, entre autre, dans le secteur luxembourgeois de la biotechnologie et du "Digital Health" dans le but de transformer le Grand-Duché en un centre d’excellence dans le secteur de la médecine personnalisée.

Nos acteurs-clés du secteur biomédical au Luxembourg, à savoir nos centres de recherche public avec le Luxembourg Institute of Health (LIH) incluant maintenant l’"Integrated BioBank of Luxembourg", mais aussi le Luxembourg Centre for Systems Biomedicine (LCSB), la Life Sciences Research Unit (LSRU) de l’Université et le Laboratoire National de Santé, concentrent leurs activités de recherche, de développement et d’innovation dans l’objectif d’élucider les mécanismes de certaines maladies et de dévoiler de nouvelles pistes thérapeutiques.

Avec la création de l'IBBL, le Grand-Duché s’est doté d’un institut dédié à soutenir la recherche biomédicale pour tendre à l'amélioration des méthodes diagnostiques, thérapeutiques et prophylactiques et à la compréhension des maladies, pour le bénéfice des patients.

Sans les connaissances acquises par la recherche, en biomédecine ou dans d’autres domaines comme l’épidémiologie, la santé publique, la pharmaco-vigilance, les dispositifs médicaux, il ne nous sera pas possible d’établir de nouveaux traitements et nouvelles recommandations de santé publique au bénéfice de la population et des patients.

Grâce aux nouvelles technologies qui sont susceptibles de fournir massivement des données, le Big Data, des avancées importantes deviennent réalité en vue de permettre aux médecins d’établir un diagnostic plus précis de la maladie et d’offrir un traitement plus individualisé à leurs patients.

Parallèlement à ces objectifs collectifs de recherche et de santé publique, il est, bien sûr, également important de veiller au respect du droit fondamental des personnes au respect de leur vie privée et à la protection de leurs données personnelles.

Les données médicales constituent des "données sensibles" et nécessitent, à ce titre, une protection accrue et des garanties renforcées. D’un autre côté, il est primordial que les chercheurs et experts de la santé publique puissent avoir accès aux données, surtout si le Luxembourg veut se positionner comme leader de l’innovation biomédicale.

Le nouveau règlement européen sur la protection des données vise à créer des règles uniformes à travers l’UE adaptées à l’ère numérique, à améliorer la sécurité juridique et à renforcer la confiance des personnes dans le marché unique du numérique.

Ce nouveau règlement général, à l’instar de l’ancienne directive, permet également le traitement des données concernant la santé, des données génétiques ou biométriques dans certaines hypothèses et sous certaines conditions.

Il est ainsi p.ex. lorsque ce traitement est nécessaire pour des motifs d’intérêt public dans le domaine de la santé publique ou aux fins de garantir des normes élevées de qualité et de sécurité des soins de santé et des médicaments ou des dispositifs médicaux.

Il en est également ainsi lorsque le traitement est nécessaire à des fins de recherche scientifique.

Mais comment conjuguer alors l’intérêt collectif et la protection individuelle des personnes?

Comment déterminer qui peut/doit avoir accès à quelles données? 

Et sous quelles conditions?

Quelles mesures mettre en place pour se prémunir efficacement contre une utilisation commerciale ou frauduleuse des données ?

Voilà autant de questions fondamentales qui méritent d’être examinées et débattues, dans une approche pluridisciplinaire incluant autant des médecins, des scientifiques, des juristes que des patients, pour que les enjeux déterminants pour l’avenir de la santé et de la recherche publiques fassent l’objet de choix éclairés et d’une régulation adaptée.

Je vous souhaite donc des échanges et discussions très fructueuses sur les nombreux défis pour l’avenir et  les enjeux dans les domaines de la recherche, de la santé publique et de la protection des données du patient.

Merci."

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