"Mission accomplie". Mars Di Bartolomeo au sujet de la réforme du système des soins de santé

Bérengère Beffort: Le projet de loi soumis aux députés a été énormément trituré et modifié par rapport à la réforme initiale du système de soins. Quelle est finalement la portée de ce texte?

Mars Di Bartolomeo: Nous avons beaucoup discuté, c'est vrai. Mais malgré toutes les adaptions faites, les fondements du texte restent inchangés. Les grandes lignes du projet initial n'ont pas bougé même s'il y a eu deux séries d'amendements. La qualité des soins offerts, la volonté de transparence et l'idée de préciser les missions des différents acteurs sont toujours là. Nous mettons aussi l'accent sur la création d'un médecin référant, de nouveaux centres de compétences, le dossier électronique du patient ou encore le rôle du médecin en milieu hospitalier... Au final le projet doit comme prévu entrer en vigueur au 1er janvier 2011. On peut dire "mission accomplie". L'objectif que nous nous sommes donné a été atteint et est bien ancré dans le projet de loi.

Bérengère Beffort: Aucun calendrier n'est toutefois fixé pour appliquer les réformes sur le terrain. Au 1er janvier 2011 ce sont surtout les assurés qui subiront la hausse des cotisations de 0,1% et une participation accrue au financement des soins.

Mars Di Bartolomeo: Cette loi offre un cadre aux différentes réformes. On ne peut pas réduire le texte à des mesures qui auraient eu lieu de toute façon. La Caisse nationale de santé (CNS) doit ramener son budget à l'équilibre. Donc une partie de ce qui va changer au 1er janvier ne figure pas dans le projet de loi, ces questions de budget sont liées aux décisions de la CNS. Cela concerne la hausse des cotisations de 0,1% et la hausse de la participation des patients aux soins. En revanche la participation des prestataires pour renouer avec l'équilibre budgétaire de l'assurance maladie fait quant à elle partie du projet de loi. Cette somme n'est pas négligeable. L'effort est ainsi réparti entre tous les acteurs et le rend acceptable pour chacun. La réforme n'a pas pour vocation de tout modifier du jour au lendemain au 1er janvier. Il s'agit de lancer une nouvelle démarche grâce à de nouveaux instruments pour mieux piloter le système et mieux dépenser.

Bérengère Beffort: Grâce à ces interventions à tous les échelons le système sera-t-il alors sorti d'affaire à moyen terme?

Mars Di Bartolomeo: Les éléments les plus importants à mes yeux sont assurés. Notamment l'accessibilité aux soins pour tous, le financement solidaire de même que des taux de cotisation abordables et une contribution peu élevée des patients aux soins.

Bérengère Beffort: Vous n'excluez donc pas de resserrer la vis sur le plan budgétaire d'ici quelques années?

Mars Di Bartolomeo: Ce projet de loi doit permettre de maîtriser l'évolution des coûts. Dans des conditions normales, cela devrait être suffisant. Mais en passant par une hausse modeste des cotisations de 0,1 % pour les assurés et 0,1% pour les employeurs il reste une certaine pression. Il nous faudra toujours gérer raisonnablement les moyens.

Bérengère Beffort: Cette pression peut être ramenée au fait que la solution que vous privilégiez n'a pas été retenue: un déplafonnement du seuil cotisable, synonyme de recettes plus importantes qu'une petite hausse des cotisations. Vous n'avez pas réussi à convaincre vos interlocuteurs?

Mars Di Bartolomeo: L'avant-projet laissait aux partenaires sociaux le choix entre deux options: déplafonner le seuil cotisable ou relever les cotisations. Mais il vrai que j'aurais préféré la solution du déplafonnement, car seuls les hauts revenus auraient été touchés. Quand vous négociez avec de nombreux partenaires, c'est ainsi. J'ai cédé sur ce point.

Bérengère Beffort: Pourtant malgré les concessions faites, les critiques des représentants du patronat ne cessent pas.

Mars Di Bartolomeo: J'assume ces reproches. Si on m'accuse d'avoir avancé une répartition équilibrée des charges, je l'accepte volontiers. Pour plaire au patronat, j'aurais dû entailler les prestations et augmenter fortement la participation des patients. Or, je ne souhaitais pas en arriver là.

Bérengère Beffort: Vous avez également droit aux reproches des syndicats. Vouloir limiter la croissance des dépenses entre 3% et 4% serait peu réaliste. Rien que l'indexation des salaires du personnel infirmier sera un coût important à prendre en compte.

Mars Di Bartolomeo: Les derniers amendements tiennent justement compte de l'impact de l'indexation. Je note ainsi que le projet a évolué en considérant les avis des différentes parties. Notre philosophie n'est pas de réduire de manière drastique les dépenses. L'objectif est de ne pas laisser les dépenses croître plus que nécessaire. Sousentendre que les gens auront des prothèses de mauvaise qualité et des médicaments peu efficaces n'est que littérature. Cela ne correspond absolument pas à la réalité de cette réforme.

Bérengère Beffort: En termes de médicaments justement, qu'en est-il du mode de remboursement pour les patients?

Mars Di Bartolomeo: Si deux médicaments sont équivalents, mais que l'un coûte plus cher que l'autre, l'idée est de prescrire le remède le moins onéreux. Le médecin le fait directement ou le pharmacien le propose au patient. Si le patient choisit le médicament le plus cher, le remboursement ne se fera que sur base du tarif du produit moins onéreux. Une différence qui peut aller du simple au double. Encore une fois, cela ne vaudra que pour les médicaments équivalents. C'est souvent le cas pour ceux dont le brevet a expiré. Le fabricant ressort le même remède sous un autre nom, dans un autre emballage. Mais en fin de compte les deux substances ont le même principe actif.

Bérengère Beffort: Autre sujet qui a fait polémique: l'accès au dossier électronique du patient.

Mars Di Bartolomeo: Le dossier sera limité à la relation entre le médecin et le patient. Dans le cadre d'une urgence ce peut-être un membre de l'équipe soignante. L'idée est surtout d'éviter de procéder à des examens que le patient a déjà subis. Le dossier regroupera les résultats d'analyses, d'imageries médicales et médicaments pris par le patient. Du point de vue technique nous pensons recourir à un système de serveurs avec d'un côté les identifiants, de l'autre les données médicales et une clé électronique permettant l'accès aux deux.

Bérengère Beffort: Votre pronostic pour finir: les médecins vont-ils jouer le jeu lorsque le texte entrera en vigueur?

Mars Di Bartolomeo: Suite à l'accord dégagé, on peut compter sur un retour à la normale. Ainsi que chaque partie le souhaite, cette réforme doit se faire en collaboration avec les acteurs du terrain. Je suis sûr que ce sera le cas. Il faut parfois passer par des disputes avant de faire bouger les choses.

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